lundi 23 mai 2011

Guo Fengyi

Une rhapsodie chinoise10 déc.-15 janv. 2011

Guo Fengyi, artiste brute découverte récemment, intéresse de façon fulgurante les spécialistes de l'art. Née en 1942 à Xi’an (centre Chine), elle obtient son baccalauréat en 1962 puis devient technicienne dans une usine de caoutchouc. Néanmoins, souffrant de terribles crises d’arthrite, elle est contrainte de cesser toute activité professionnelle à trente-neuf ans. Pour soulager ses crises, Guo s’initie au Qi-Gong, médecine qui lui ouvre de nouvelles portes, notamment spirituelles. A partir de 1989, en prise à des visions, elle produit de nombreux dessins, d’abord sur les versos de pages de calendriers, ensuite sur du papier de riz. Ces productions, à l’encre de chine et au pinceau, parfois longues de plus de 5 mètres, sont élaborées sans idée préalable, Guo découvre sa création au fur et à mesure qu'elle la dessine. A travers une multitude de traits délicats, se dessinent des formes spectrales, dragons, phenix, visages parfois entremêlés, souriants et sereins, ou au contraire, terriblement inquiétants et monstrueux. Fascinante et originale, l'œuvre de Guo a cette force : elle nous emmène sur des territoires où la sérénité, trop calme, en devient inquiétante et où le monstrueux, étrangement, nous est familier. Déjà présente dans la Collection d'Art Brut de Lausanne ainsi qu'au Museum of Everything (Londres), puis exposée par la galerie christian berst au Salon du Dessin Contemporain 2010, Guo sera demain une figure incontournable de l'art brut.
Ces dessins figurent tous de grands personnages — divinités, empereurs et autres figures légendaires — pour la plupart présentés en double, tête bèche, comme sur des cartes de tarot. Ni bras ni jambes: la partie inférieure du corps disparaît comme une queue de sirène. L'important, c'est la tête, l'esprit… Des lettres, des signes apparaissent parfois autour des figures, ce qui ajoute à l'idée d'une signification cachée et d'une fonction secrète de ces dessins. Guo Fengyi dessine, pour la visualiser, l'énergie vitale des corps. Elle travaille à partir d'un creuset de connaissances hétéroclites: la mythologie, l'astrologie, la géomancie, la médecine traditionnelle chinoise…

Au-delà de la distance culturelle qui nous sépare d'une artiste chinoise, la manière de Guo Fengyi ajoute à cet écart. C'est dans cette faille que se situe le «brut». On peut penser à des œuvres européennes appartenant au désormais dit «art brut historique»: les dessins médiumniques et les broderies de Jeanne Tripier ou de Madge Gill…
Si l'art brut n'est pas un mouvement artistique, et ne fonctionne pas comme catégorie, il existe pourtant des critères de distinction, des caractérisques communes que Jean Dubuffet relevait dès les années 1950 à propos des «auteurs d'art brut».
Guo Fengyi n'a jamais appris à dessiner. Elle entame sa pratique artistique à l'âge de la retraite — prématurée dans son cas, pour des raisons de santé. Sans qu'il soit apparemment dans son projet de faire œuvre, mais plutôt de répondre à une nécessité spirituelle et toute personnelle. Du point de vue occidental, son art est «brut», alors qu'elle a récemment été présentée en Corée du sud à une biennale d'«art contemporain»…






LIU Hailan

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire